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Métronome ou pulsomètre ?

Métronome ou pulsomètre ?

Après l’article rédigé pour les 200 ans du métronome, voici un nouvel article sur une thématique proche, mais cette fois-ci pour vous présenter une application web que j’ai imaginée pour le travail des musiciens, et donc des organistes : the pulsometer.

Comme son nom l’indique, un pulsomètre mesure une pulsation. C’est un outil très simple, l’application en question n’a aucune option, ne se paramètre pas du tout et ne fait que ça. Ce pulsomètre numérique est une alternative au métronome. De mon point de vue, il remplace avantageusement le métronome, parce qu’il peut jouer son rôle sans en avoir les inconvénients.

Pour comprendre le but de cette application, il faut vous rappeler que le métronome a été inventé il y a deux siècles, une époque où la musique était exclusivement live. Les enregistrements n’existaient pas, on ne pouvait pas graver le son et se le transmettre, ou le réentendre plus tard. La musique ne laissait pas de trace, pas de CD, pas de YouTube à écouter avant de travailler une pièce, « pour voir comment ça doit sonner ». La musique n’existait qu’au moment où on la jouait, en vrai. Et donc, si on n’était pas physiquement ensemble, les partitions étaient les seuls moyens de se transmettre une idée musicale.

Si vous écrivez à une personne que votre morceau de musique va vite ou va lentement, on comprend cette information sans machine mais c’est relatif, il faut interpréter cette donnée et le résultat dépendra de l’interprète. Par contre, si vous pouvez écrire qu’on doit mettre 50 ou 130 noires de votre morceau dans une minute, à ce moment-là l’information est claire et absolue et vous savez que la personne qui lira votre partition pourra l’imaginer à la même vitesse que vous. Mais le problème, avec cette information absolue et l’outil externe qu’elle requière, c’est que, comme interprète, si vous vous demandez à quelle vitesse vous devez jouer, vous allez mettre votre métronome en route et il va vous faire entendre la pulsation ! Ça peut paraître étrange de le dire comme ça, mais c’est ça le gros problème du métronome : cette machine est trop efficace, elle vous donne directement la solution. Et du coup, elle vous prive de l’essentiel processus d’appropriation d’une partition, de ce moment de travail où vous cherchez et vous trouvez un tempo par vous-même, en testant différentes solutions.

Si vous êtes musiciens et que vous avez déjà utilisé un métronome pour voir à quelle vitesse allait un morceau, vous connaissez tous cette sensation désagréable de devoir subitement jouer un peu trop lentement ou un peu trop vite, sans vraiment savoir quoi faire dans ce tempo imposé par cette machine frustrante qui ne tape pas à la vitesse à laquelle vous sentez la musique. Or, avec mon pulsomètre, ces moments de solitude n’existent plus !

Vous le savez sûrement tous : on n’apprend pas à faire des temps réguliers, à sentir soi-même une pulsation, en suivant une machine. C’est en jouant, en faisant soi-même des temps, les uns après les autres, qu’on les fait petit à petit de mieux en mieux. C’est un peu comme le vélo : tant qu’on a des petites roues sur les côtés, on ne trouve pas l’équilibre sur les deux roues. Pour apprendre à faire du vélo, il faut d’abord enlever les petites roues. Ce sont des béquilles, qui semblent nous aider, mais comme le métronome, elles nous empêchent de trouver le juste point d’équilibre, parce qu’elles nous empêchent d’expérimenter l’erreur, de sentir les limites à respecter.

Pour en revenir à mon pulsomètre et essayer cela, vous devez ouvrir l’application, qui est en fait simplement une page web. Vous la trouvez à l’adresse benjaminrighetti.com/pulsometer . Une fois que vous y êtes, l’application est prête à fonctionner. Si vous voulez, mais ce n’est pas indispensable, vous pouvez encore l’ajouter à votre écran d’accueil. Vous y accéderez plus rapidement la prochaine fois et comme la page est déclarée comme une web-app, sur les téléphones ou tablettes, que ce soit des produits Androïd, Apple ou autre, vous n’aurez même plus besoin de recharger la page. Du coup, vous pourrez l’utiliser en mode avion ou dans un lieu sans réseau.

Cette parenthèse technique réglée, quelques mots sur l’application elle-même. J’ai choisi de la faire mesurer le tempo sur la base de six pulsations. C’est ce qui me semble le meilleur compromis pour des musiciens, entre la précision et la rapidité d’utilisation. Avec moins de pulsations, le calcul du tempo irait plus vite, mais pour avoir essayé avec trois, quatre ou cinq temps, la moyenne obtenue est alors moins fiable. Avec plus de pulsations, la mesure prend plus de temps et le gain de précision, minime pour de la musique, ne me semble pas valoir le coût, d’autant que l’application calcule son résultat au centième de seconde. Concrètement, vous devez donc taper une première fois sur l’écran (qui change alors de couleur), attendre que six temps s’écoulent et taper une seconde fois sur l’écran à la fin du sixième temps, donc au début de ce qui serait le septième temps.

C’est avec cet outil que je travaille depuis quelque mois. En fait, cette application, je l’ai d’abord réalisée pour moi. Elle a un peu changé ma manière de travailler et me fait surtout gagner du temps. Si par exemple, je constate que je joue trop vite un passage, alors je vais essayer de jouer plus lentement. Je vais ensuite mesurer ce nouveau tempo, et ainsi de suite, jusqu’à ce que je tombe sur la valeur indiquée sur la partition. Avec un peu d’habitude, au bout de deux ou trois essais, on tombe sur la bonne valeur, à quelques unités près. Franchement, ça va assez vite, et ce tempo, comme on l’a trouvé soi-même, on le vit, on le joue beaucoup mieux. Et surtout, on le retrouve beaucoup plus facilement par la suite, parce qu’il vient de nous. C’est là où on gagne vraiment du temps. Essayez, et vous verrez par vous-mêmes ! Je vous garantis, cette application est excellente pour votre santé rythmique et musicale !

Des collègues m’ont fait remarquer que ce n’est pas la seule application qui permet de mesurer un tempo en tapant les temps sur l’écran de son téléphone. C’est vrai, mais par contre, toutes les autres applications que j’ai pu voir vous demanderont de taper tous les temps, en vous affichant une moyenne, réactualisée en permanence, pendant que vous tapez. Le seul avantage, c’est que vous n’avez pas besoin de compter six temps. Mais par contre, le fait de devoir taper chaque temps peut influencer votre propre tempo, au moment de la mesure. Je l’ai constaté moi-même, et avec plusieurs de mes étudiants.

D’autre part, comme cette fonction est toujours proposée dans le cadre d’applications de métronome, qui font donc plein d’autres choses, vous ne pouvez pas taper n’importe où sur l’écran. Vous devez viser un bouton, une petite zone, ce qui vous oblige à regarder votre écran pendant la mesure, et peut en outre vous faire faire des erreurs. Avec mon application, qui ne fait que ça, vous tapez où vous voulez, et vous pouvez donc très facilement mesurer un tempo tout en continuant de regarder votre partition. Et surtout, comme les autres applications sont des métronomes, franchement, c’est difficile de se forcer à taper les temps et à chercher le bon tempo, alors qu’on a sous la main l’outil qui offrirait directement la solution. L’être humain cherche toujours la voie de l’apparente facilité immédiate, c’est un fait… je me connais, je préfère m’éviter des tentations inutiles quand je sais qu’elles ne sont pas efficaces !

Voilà, j’espère vous avoir convaincus. Si c’est le cas, n’hésitez pas à utiliser ce pulsomètre et à partager cet article. Si vous avez des questions ou des remarques, on se retrouve dans la zone de commentaires ci-dessous, pour continuer l’échange de manière plus interactive.

A bientôt et surtout, faites plein de belle musique, au tempo demandé par les compositeurs ou au vôtre, si vous avez de bonnes raisons de penser que ça sonne mieux autrement !

Au sujet de l'auteur

Benjamin Righetti

Benjamin Righetti est un musicien suisse, organiste titulaire de Saint-François et professeur d'orgue au Conservatoire et à la Haute École de Musique de Lausanne. Il poursuit parallèlement à ceci une activité régulière de concerts dans le monde entier (plus de 700 à ce jour), d'enregistrements (disques, radio-tv, web) et de recherche. Amoureux tant des montagnes que des lacs de son petit pays, il tente de concilier ses nombreuses activités avec rigueur et joie.

2 commentaires

  • Bravo Benjamin et surtout merci ! Tu as complètement raison c’est beaucoup plus efficace de trouver soi-même le juste tempo avec ton pulsomètre que de suivre un métronome. Je ne me sers plus que de ton appli ! Il faut dire que pour un chef c’est aussi pratique de pouvoir diriger sans taper chaque temps. On intériorise beaucoup plus vite le tempo et finalement, on ne s’en sert plus que pour vérifier de temps en temps à quoi en est le travail musical.

par Benjamin Righetti
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