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Petit mémento de l’accordage et des tempéraments

 

Petit mémento de l’accordage et des tempéraments

 

L’accordage et la question des tempéraments, le juste placement des hauteurs de nos tons et demi-tons : voici des questions importantes pour les organistes, car une grande diversité existe dans la manière d’accorder les orgues. Ce petit mémento en forme de lexique, rédigé initialement à l’attention des étudiants de l’HEMU, contient les notions les plus courantes que l’on rencontre lorsque l’on évoque ces questions. 

N’hésitez pas à commenter cet article au bas de la page, si l’une ou l’autre description vous semblait peu claire ou erronée, ou si vous pensez qu’il faudrait ajouter des termes !

 

Cent

Le Cent est une valeur relative, c’est l’intervalle divisant une octave pure en 1200 parts égales, ou un centième de demi-ton du tempérament égal. Le Cent a donc une progression linéaire : pour un intervalle donné dans un même tempérament, il y a toujours le même nombre de Cents, dans toutes les tessitures.

 

Hertz (Hz)

Le Hertz est une valeur absolue qui donne la fréquence d’un son, c’est-à-dire sa hauteur, en nombre d’oscillations par seconde. Le La du diapason moderne oscille 440 fois par seconde, il mesure 440 Hz. Le Hertz a une progression exponentielle, inversement proportionnelle à la longueur d’onde : le la une octave plus haut que le diapason mesure 880 Hz, le suivant 1760 Hz, et ainsi de suite.

 

Longueur d’onde

La longueur d’onde est essentiellement déterminée par la longueur du tuyau pour les jeux à bouche, et par la longueur de la languette en mouvement pour les jeux d’anche : une flûte 2 fois plus courte qu’une autre crée une vibration 2 fois plus rapide et sonne donc une octave plus haut. Cependant, la correspondance entre la fréquence mesurée en Hz et la longueur d’onde dépend du milieu, ici de l’air. La chaleur fluidifiant l’air et facilitant les vibrations, la température dans le corps du tuyau influence la fréquence produite. Ainsi, les jeux à bouche sonnent plus haut lorsqu’il fait plus chaud. Si la variation de température est homogène, tous les tuyaux varient proportionnellement et cela n’influence donc pas le tempérament. Les jeux d’anches ne sonnant pas principalement par la vibration de l’air mais celle d’une languette, ils font exception et fluctuent nettement moins avec les changements de température. Comme ils sont en général moins nombreux et plus simples à accorder, ce sont ces tuyaux-ci que l’on accorde de manière saisonnière, pour les faire suivre le diapason fluctuant des autres tuyaux.

 

Battement

Perception acoustique de 2 ondes de longueurs diverses, se décalant périodiquement et faisant entendre successivement des périodes en phase puis en déphasage. Un La 440 Hz et un La 441 Hz joués simultanément font par exemple entendre un battement par seconde.

 

Intervalle pur

En tant que phénomène acoustique, la pureté est l’absence de battement entre deux sons, liée à un rapport simple des fréquences des deux hauteurs.  Les sons harmoniques, tels que l’octave (1/2), la douzième (1/3), la quinzième ou double-octave (1/4), la dix-septième (1/5)… sont les seuls intervalles absolument purs, les fréquences d’un La 220 Hz et un La 440 Hz, ou d’un La 220 Hz et d’un Mi 660 Hz ne se croisant jamais. La quinte (2/3, par exemple La 220 Hz et Mi 330 Hz), la quarte (3/4, par exemple Mi 330 Hz et La 440 Hz) et la tierce majeure (4/5, par exemple La 440 Hz et Do# 550 Hz) sont perçues comme pures par notre oreille lorsque le rapport de fréquence est exact, la périodicité des battements créés par les croisements de phases étant trop rapprochée pour être perçue comme une dissonance. Lorsque le timbre permet d’entendre clairement les battements, la fréquence élevée de ces battements-ci peut faire entendre une troisième hauteur, sorte de note fantôme en dessous des notes jouées appelée « son résultant », un La 220 Hz et un Mi 330 Hz pouvant par exemple faire entendre un La 110 Hz.

ATTENTION : même si on dit communément « c’est juste », en parlant d’un accordage pur de deux sons et que l’on trouve parfois ce terme dans des sources anciennes, il vaut mieux éviter d’utiliser l’adjectif « juste » pour désigner la « pureté », car il peut signifier d’autres choses, comme par exemple les intervalles qui n’ont pas de déclinaison majeur ou mineur, ou l’exactitude d’une hauteur dans un tempérament donné, qu’elle soit pure ou non.

 

Notes enharmoniques

Deux notes différentes mais partageant la même hauteur sur notre échelle limitée à 12 hauteurs. Ré# et Mib sont par exemple des notes enharmoniques. Dans un contexte tonal, ce ne sont pas les mêmes notes, Ré# étant par exemple une consonance avec Si et une dissonance avec Sol (il se résout par exemple sur Mi), et Mib étant à l’inverse une dissonance avec Si (qui se résout alors par exemple sur Do) et une consonance avec Sol. Dans le cadre du tempérament avec douze demi-tons égaux, ces consonances et dissonances ne sont pas audibles, alors qu’elles apparaissent avec les autres tempéraments.

 

Comma pythagoricien

Environ 23.5 Cents, il s’agit de la différence entre 12 quintes pures et 7 octaves pures. C’est par exemple le comma réparti en 12 parts égales dans le tempérament à douze demi-tons égaux.

 

Comma syntonique

Environ 21.5 Cents, il s’agit de la différence entre 4 quintes pures et une tierce majeure pure. Comme il peut être vérifié beaucoup plus rapidement que le comma pythagoricien, après avoir accordé 4 notes, on utilise en général ce comma-ci pour réaliser un accordage à l’oreille. C’est aussi le comma qu’on répartit lorsque l’on veut avoir des tierces pures.

 

Schisma

Environ 2 Cents, il s’agit de la différence entre le comma pythagoricien et le comma syntonique, ou entre 8 quintes pures plus une tierce pure et cinq octaves pures. Lorsque l’on accorde à l’oreille, cette petite différence ne peut être audible que si l’accordage a été réalisé avec une grande précision,  de +/- 2 Cents sur un cycle de 12 quintes. De ce fait, on parle de comma dans de nombreuses descriptions de tempéraments, sans faire la distinction entre le comma pythagoricien ou syntonique.

 

Les tempéraments mésotoniques

Mésotonique signifie « ton moyen ». Ce terme peut être compris de plusieurs manières. L’une des définitions est qu’il désigne les tempéraments réguliers, qui font sonner chaque intervalle de manière semblable dans toutes ses transpositions (en différenciant évidemment les notes enharmoniques). On peut donc parler de tempéraments mésotoniques lorsque les quintes sont uniformément réduites de la même proportion, par exemple d’un quart, d’un cinquième, d’un huitième, d’un douzième de comma (à savoir le tempérament égal moderne, à douze demi-tons égaux), ou même lorsqu’elles sont pures (à savoir le tempérament pythagoricien). Une autre définition courante est que le terme mésotonique désigne un tempérament avec des tons à l’exacte médiane entre le ton majeur (rapport 9/8) et le ton mineur (10/9). Ceci revient à utiliser ce terme spécifiquement pour le tempérament mésotonique avec des quintes réduites d’un quart de comma syntonique. Ce tempérament-ci est en outre reconnaissable à ses tierces majeures pures et a largement été utilisé aux 16e et 17e siècles.

 

Les tempéraments inégaux

Un tempérament est dit inégal lorsqu’un même intervalle (la quinte par exemple) n’est pas accordé systématiquement de la même manière entre toutes les notes. Dans le tempérament Vallotti par exemple, six quintes (de Fa à Si) sont réduites d’un sixième de comma et six quintes sont pures. Tous les autres intervalles sont évidemment affectés par ces deux types de quintes : par exemple, la tierce Si – Ré# est pythagoricienne (le ré# est obtenu par 4 quintes pures), alors que la tierce Sol – Si est plus petite de 4/6 de comma, celle Ré – Fa# de 3/6, celle La – Do# de 2/6 et celle Mi – Sol# de 1/6. Toutes ces tierces majeures sonnent donc différemment les unes des autres, avec des battements à des vitesses différentes, d’où l’appellation de tempérament inégal.

 

ATTENTION : Ces deux dernières définitions sont valables pour la plupart des références anciennes. Aujourd’hui, la grande majorité des musiciens désigne par tempérament inégal tous les autres tempéraments que le tempérament égal moderne, en référence à l’inégalité des douze demi-tons qu’ils présentent.

 

Quinte du loup

Quand l’addition des réductions des quintes d’un tempérament dépasse le comma pythagoricien (pour avoir en général plusieurs tierces pures ou très bonnes) il faut récupérer cette dérive excessive. Lorsque toute la dérive est récupérée sur une seule quinte (souvent la quinte Sol# – Mib), accordée de fait vraiment trop grande, on parle de quinte du loup. On peut aussi désigner ainsi la seule quinte trop petite du tempérament pythagoricien.

 

Partition

Lorsque l’on veut accorder un instrument à clavier, on doit accorder les douze demi-tons en écoutant les quintes, quartes et tierces et en contrôlant les battements selon le tempérament choisi. On débute en général par faire ceci sur une octave, au centre de la tessiture de l’instrument, là où l’exercice est le plus facile. Cette première octave de référence s’appelle la partition. Elle peut ensuite être reproduite sur le reste de l’instrument en n’accordant plus que des octaves.

 

Et pour conclure, voici une table de conversion des quintes les plus habituelles, entre Cents et proportions de commas, pour calculer, d’après un plan de tempérament, les valeurs à entrer dans un accordeur électronique :

  • Quinte pure (pythagoricienne) : environ 702 Cents (+2 Cents)
  • Quinte réduite de 1/12 de comma pythagoricien (tempérament égal) : 700 Cents
  • Quinte réduite de 1/6 de comma pythagoricien : environ 698 Cents (-2 Cents)
  • Quinte réduite de 1/5 de comma pythagoricien : environ 697,6 (-2,4 Cents)
  • Quinte réduite de 1/4 de comma syntonique : environ 696,6 Cents (-3,4 Cents)

Merci à Edmond Voeffray pour sa relecture, ses corrections et ses propositions d’ajouts !

Au sujet de l'auteur

Benjamin Righetti

Benjamin Righetti est un musicien suisse, organiste titulaire de Saint-François et professeur d'orgue au Conservatoire et à la Haute École de Musique de Lausanne. Il poursuit parallèlement à ceci une activité régulière de concerts dans le monde entier (plus de 700 à ce jour), d'enregistrements (disques, radio-tv, web) et de recherche. Amoureux tant des montagnes que des lacs de son petit pays, il tente de concilier ses nombreuses activités avec rigueur et joie.

8 commentaires

  • Excellent petit lexique concis sur l’accord! Les concepts étant tout de même un peu complexes, surtout pour les néophytes, peut-être quelques graphiques éclairciraient le propos? (Si, si, ça peut être très bien les graphiques!) J’espère qu’on aura éventuellement droit à un article sur l’usage stylistique ainsi que les particularités des tempéraments en rapport avec l’accord de l’orgue ; un peu comme dans votre excellent article sur le tempérament Rameau. Quel bonheur tout de même que de pouvoir s’attarder à ces questions: rares sont les instruments accordés autrement que de façon égale ici, au Canada…

    • Chère Madame,
      Merci de votre gentil commentaire. Je verrai si j’ai le temps de compléter cet article de quelques graphiques à l’occasion, qui pourraient en effet être utiles! Mais dans tous les cas, l’exercice de la définition, en texte, me plait beaucoup. Il force à clarifier ses idées, pour tenter de les exposer de la manière la plus simple et précise possible. Et d’autres articles suivront probablement sur ce vaste sujet passionnant! A bientôt!

  • Bonjour

    Article très intéressant, cependant je pense que c’est une erreur de parler de tempérament pythagoricien.
    Ce n’est pas un tempérament puisque les quintes n’y sont justement pas tempérées.
    Il vaudrait mieux, je crois, parler d’accord pythagoricien.
    De même je pense qu’il ne faut pas confondre intervalle « juste » et « pur ».
    Juste est une notion relative à une esthétique musicale, alors que pur est une notion absolue indiquant l’absence de battement.

    Ceci étant, j’ai beaucoup apprécié votre travail étant moi-même praticien de la chose.

    Cordialement

    Étienne Fouss
    Facteur d’orgues

    • Cher Monsieur,
      Grand merci de votre commentaire! Je viens de modifier l’article en conséquence pour la question de la pureté / justesse. J’avais indiqué les deux adjectifs car je les ai vu tous deux dans des sources anciennes, mais je suis entièrement d’accord avec vous: il est préférable de parler de pureté dans ce cas précis.
      Pour le tempérament ou accord pythagoricien, les quintes ne sont certes pas tempérées, mais les tierces le sont! Il est vrai que pour moi, accord et tempérament sont en quelque sorte des synonymes, aucun accordage n’étant possible, dans notre système musical européen, sans tempérer un intervalle ou l’autre. Le terme accord a simplement d’autres significations plus larges, alors que « tempérament » désigne spécifiquement l’accord d’une série de notes avec lesquelles on va faire de la musique. Mais tout ceci est évidemment discutable…
      N’hésitez pas à m’écrire à nouveau si vous aviez d’autres idées!

  • Bonsoir ,
    Naturellement j’ai beaucoup aimé cet article, merci beaucoup.
    J’ai bien apprécié aussi la remarque d’Etienne sur la notion de juste et pur. Vous avez d’ailleurs aimablement répondu à ses remarques en les ajoutant à votre article.
    Dans cette optique, ne pensez-vous pas qu’on pourrait parler de 6 quintes pures dans le tempérament Valotti, plutôt que de 6 quintes justes ? Car si on pousse le raisonnement à l’extrême, on pourrait dire que les 12 quintes obtenues sont justes par rapport aux caractéristiques du tempérament Valotti : 6 d’entre elles sont pures, et les 6 autres prennent en charge la répartition en 6 parties égales du comma pythagoricien.
    Bien cordialement
    Mireille Podeur

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